SITE ARCHIVÉ EN JUILLET 2010. Nouveau site de l'Internet Sociey France disponible ici.
Rechercher :

La neutralité du réseau

Note juridique n°2

mardi 11 mars 2008.

 

Résumé

Que vous consultiez un site web, discutiez avec quelqu’un ou regardiez une vidéo sur l’internet, pour votre fournisseur d’accès, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. C’est ça la neutralité du réseau : le fait que votre fournisseur d’accès ne fasse pas la différence entre ce qui passe par ses tuyaux. En France, ce principe est inscrit dans la loi mais dans d’autres pays, et surtout aux États-Unis, certains fournisseurs d’accès souhaitent changer la donne. Ils veulent faire payer les Google, YouTube et autres eBay pour assurer la qualité des communications.

Auteur(s) : Laurent Ferrali et Charles Simon

1. C’est quoi la neutralité du réseau ?

La neutralité du réseau est une vision de l’internet dans laquelle les fournisseurs d’accès ne font pas de différence selon le type de communications qui passent par leurs tuyaux : trafic web, échanges pair-à-pair, voix sur IP… les données sont transmises sans discrimination quelque soit leur émetteur.

2. Est-ce que la neutralité du réseau est propre à l’internet ?

Oui car elle est liée à la façon dont l’internet a été développé. Contrairement au téléphone et au minitel, l’ internet est « décentralisé », c’est-à-dire que le pouvoir se trouve aux extrémités, chez les utilisateurs. Ce sont les particuliers, vous et moi, mais aussi les services comme YouTube ou Skype.

En pratique, alors qu’avec le téléphone ou le minitel les seuls services disponibles étaient ceux autorisés par les opérateurs, avec l’internet les fournisseurs d’accès se contentent de transmettre l’information que les utilisateurs et les fournisseurs de services émettent, sans intervenir.

3. La loi garantit-elle la neutralité du réseau ?

En France le Code des postes et des communications électroniques qui regroupe les principaux textes qui s’appliquent à l’internet semble prévoir une obligation de neutralité des personnes contrôlant les tuyaux par lesquels l’internet passe . Il manque cependant encore des décisions de justice qui traceraient plus précisément le contour de cette obligation. Aux États-Unis en revanche et dans la plupart des pays à travers le monde, il n’y a pas de loi.

4. Pourquoi en parle-t-on actuellement ?

Parce qu’aux États-Unis et ailleurs dans le monde, il y a en ce moment un fort courant pour remettre en cause la neutralité du réseau. Certains disent qu’à l’origine les fournisseurs d’accès l’avaient acceptée pour des raisons pratiques et économiques mais la situation serait un peu différente aujourd’hui : d’un côté les réseaux des fournisseurs d’accès sont de plus en plus encombrés, de l’autre le nombre de services offerts sur l’internet explosent et certains demandent beaucoup de ressources pour fonctionner convenablement, la vidéo à la demande par exemple.

5. Mais pourquoi précisément maintenant ?

Tous les professionnels sont d’accord pour dire que l’internet est à un tournant de son histoire. Il y a déjà un milliard d’utilisateurs et il va bientôt y en avoir beaucoup plus avec le rapprochement avec le téléphone, le développement de l’internet mobile, les objets qui se mettent à communiquer à travers le réseau… Pour que tout cela soit possible, il va falloir investir massivement dans les tuyaux par lesquels l’internet transite et les personnes à qui ils appartiennent ne veulent pas être les seuls à payer.

6. Qu’est-ce que proposent ceux qui remettent en cause la neutralité du réseau ?

Ils veulent que les fournisseurs de services, les Skype, Google, YouTube… participent aussi au financement des nouveaux tuyaux. En clair, pour permettre le développement des nouvelles infrastructures, les fournisseurs de services payeraient un abonnement supplémentaire aux fournisseurs d’accès. En échange, ceux-ci leur garantiraient un service de bonne qualité. Les fournisseurs de services pourraient bien sûr refuser de payer mais alors la qualité de leurs transmissions ne serait pas garantie. Ce serait un vrai problème pour ceux d’entre eux qui fournissent de la voix sur IP ou de la vidéo à la demande par exemple puisque pour eux la qualité est très importante.

7. Pourquoi le débat est-il plus vif aux Etats-Unis ?

Tout simplement parce que les principaux acteurs de l’internet s’y trouvent : eBay, Skype, MySpace, Facebook… toutes ces entreprises sont américaines. De plus il y a relativement peu de fournisseurs d’accès aux États-Unis, surtout comparé à la situation en Europe. D’un côté on a donc des services puissants qui souhaitent que les choses restent comme avant, de l’autre on a des fournisseurs d’accès tout aussi puissants qui ne craignent pas la confrontation car ceux qui payeront les premiers les pots cassés, leurs abonnés, ne peuvent pas facilement changer d’opérateur. On a donc deux camps qu’aujourd’hui tout oppose et qui ont les moyens de se faire entendre.

8. En quoi est-ce que cela me concerne ?

8.1. Si ceux qui s’opposent à la neutralité du réseau l’emporte aux États-Unis, cela risque de faire boule de neige en France et en Europe. Il y a tout d’abord le poids des États-Unis qui sert souvent de modèle, il y a ensuite le fait que, pour des raisons de prix, les communications sur l’internet passent encore souvent par les États-Unis ! Même si la neutralité était respectée en France, en pratique ce serait une illusion si le trafic faisait l’objet d’une discrimination à l’occasion d’un détour Outre-Atlantique.

8.2. Si la neutralité du réseau était remise en cause, votre fournisseur de d’accès pourrait favoriser la qualité de ses services face à ceux de ses concurrents. La qualité de ses services de voix sur IP ou de vidéo à la demande seraient par exemple garantie alors que celle de fournisseurs extérieurs serait rendue aléatoire, ce qui réduirait le choix dont vous disposez.

8.3. De nouveaux services pourraient ne pas se développer à cause de la discrimination. Les services qui posent aujourd’hui le plus problème aux opérateurs, les plus gourmands en ressources, sont récents. Qui avait entendu parler de YouTube, MySpace ou Facebook il n’y a qu’un ou deux ans ? Ces services ont pu se développer car les obstacles à leur développement étaient peu importants. Ils n’avaient notamment pas à conclure d’accords avec les opérateurs pour assurer la qualité de leurs communications avec les internautes. Les nouveaux services de demain pourraient avoir à le faire si la neutralité du réseau est remise en cause. Ce serait un peu comme recréer la situation du téléphone et le minitel !

9. Quelle est la position de l’Isoc sur la neutralité du réseau ?

Il n’est pas facile de faire un résumé des discussions au sein du Chapitre français, des autres Chapitres européens et de l’organisation internationale qui les chapeaute tous mais, au sein de la Commission juridique de l’Isoc France, nous pensons que la remise en cause du principe « décentralisé », « end to end » ou « bout en bout » pour être plus précis, s’attaque au fondement même de l’internet. Si l’internet s’est développé ces dernières années, c’est grâce à une double concurrence sur les infrastructures et sur les services où les utilisateurs terminaux, vous et moi, ont eu leur mot à dire en choisissant leurs fournisseurs d’accès, en plébiscitant des services.

Il faut financer les infrastructures de demain mais cela ne doit pas se faire en tuant « la poule aux œufs d’or », en particulier les nouveaux services. La neutralité du réseau est également la protection la plus efficace de la liberté d’expression et de la diversité sur l’internet.

Word - 54.5 ko
format .doc
opendocument text - 21.2 ko
format .odt
PDF - 106.4 ko
format .pdf
   

Navigation


Mentions légales : Hébergement : OVH Directeur de la publication : Odile Ambry