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Projet de loi Création et Internet : AUDITION devant le SENAT

dimanche 29 juin 2008.

 

Voici le courrier que l’ISOC France a adressé à M. le Sénateur Michel THIOLLIÈRE, membre de la Commission des Affaires culturelles du Sénat, suite à l’audition de Charles SIMON le 25 juin 2008.

La réponse de Christopher Wilkinson, président de la Coordination Européenne de l’ISOC, sera mise en ligne ultérieurement, une consultation des autres Chapitres étant en cours.

* * *

> A l’attention de : Monsieur le Sénateur Michel THIOLLIÈRE

> Objet : Projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet

Paris, le 27 juin 2008

Monsieur le Sénateur,

Suite à notre audition du 25 juin 2008 à 15h00, nous vous confirmons les points suivants.

À la lecture du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet tel qu’il a été présenté au Conseil des ministres le 18 juin 2008, le Chapitre français de l’internet Society (Isoc France) s’inquiète de ce que :

- le mécanisme dit de « riposte graduée » que le projet de loi propose d’introduire dans le Code de la propriété intellectuelle renverse la logique de la répression. Il prévoit en effet la prise d’une sanction administrative pouvant aller jusqu’à la suspension de l’accès à l’internet (article L. 331-25 al. 2), à charge pour l’abonné suspendu de saisir ensuite les tribunaux judiciaires d’un recours en annulation ou en réformation de la décision de sanction (article L. 331-25 al. 5). Cette inversion de logique qui met à la charge de l’abonné l’établissement de son innocence a posteriori, par la saisine des tribunaux, nous semble dangereuse ;

- le mécanisme dit de « riposte graduée » qui s’appuie sur une obligation de « sécurisation de la connexion à l’internet » à la charge de l’abonné (article L. 336-3 du Code de la propriété intellectuelle) évacue la contrefaçon et surtout la preuve que celle-ci a bien été effectuée par le titulaire de « l’accès non sécurisé ». En pratique, cela signifie qu’il ne sera pas nécessaire de faire la preuve de ce que l’abonné est l’auteur de la contrefaçon alléguée et, plus encore, qu’il ne sera pas nécessaire de faire la preuve de l’identité de l’auteur de la contrefaçon. L’exposé des motifs glisse, de façon très parlante, de la répression des « internautes pirates » dans la situation actuelle à la répression des « ordinateurs pirates » (sic) dans la situation future. Cet allègement du fardeau de la preuve qui évacue la question de l’identité de l’auteur des faits portant atteinte aux droits protégés au titre de la propriété intellectuelle nous semble dangereux ;

- le mécanisme dit de « riposte graduée » que le projet de loi propose d’introduire sera entièrement financé par l’Etat au travers de la future Haute Autorité alors que les intérêts défendus sont purement privés. L’Etat se substitue ainsi à des personnes dont la carence dans la protection de leurs droits est manifeste aux termes mêmes de l’exposé des motifs du projet de loi. Or aucune mesure similaire n’a été imaginée pour des situations où l’atteinte à l’ordre public du fait du défaut de sécurisation des connexions à l’internet des abonnés est plus directement caractérisée. C’est notamment le cas du spam. Cette faveur envers certains intérêts privés qui les décharge de leur obligation de protéger leurs droits nous semble dangereuse.

Enfin, d’un point de vue purement juridique, nous nous interrogeons sur la pertinence de l’article L. 331-29 alinéa 2 qui dispose que :
- « Si [l’abonné] ne se conforme pas à l’injonction qui lui est adressée, la commission de protection des droits peut, à l’issue d’une procédure contradictoire, lui infliger une sanction pécuniaire d’un montant maximal de 5 000 euros par manquement constaté ».

Si le terme de « manquement » renvoie au manquement à l’obligation de sécurisation de sa connexion par l’abonné (nouvel article L. 336-3 du Code de la propriété intellectuelle), sa consommation s’exécute en un trait de temps. Si ses effets se poursuivent au-delà de l’instant t de la réunion de ses éléments constitutifs, il ne peut donc faire l’objet d’itérations multiples. Partant, de même qu’une personne ne peut voler plusieurs fois une même pomme passé l’acte de vol proprement dit, un abonné ne peut pas commettre plusieurs manquements à son obligation de sécuriser sa connexion une fois le défaut de sécurisation établi. L’article L. 331-29 alinéa 2 appelle donc nos plus entières réserves d’un point de vue strictement formel.

Monsieur Christopher WILKINSON qui a été auditionné avec nous le 25 juin 2008 à 15h00 déposera des commentaires séparés vous confirmant les points qu’il a pour sa part présentés.

Je vous remercie, au nom de l’Isoc France, d’avoir pris le temps de nous entendre et vous prie de croire, Monsieur le Sénateur, à l’expression de nos sentiments distingués,

Charles SIMON

Membre de l’Isoc France

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