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Un Forum de la gouvernance Internet pour l’Europe

vendredi 15 mai 2009.

 

Un Forum de la gouvernance Internet pour l’Europe

Christopher Wilkinson, Président de l’ISOC-ECC

Audition au Parlement européen – 15 avril 2009

Introduction

Madame le Président, Monsieur l’Ambassadeur Frøysnes, Mesdames, Messieurs les membres du Parlement européen, Mesdames, Messieurs,
Je suis membre de l’Internet Society (Isoc) et président du Comité de coordination européen des Chapitres de l’Isoc (Isoc-ECC). L’Isoc-ECC est ouverte à tous les Chapitres issus des États membres du Conseil de l’Europe. _ En tant que délégué de l’Isoc Wallonie, je demande la compréhension de mes amis et collègues francophones si, en cette occasion, je m’exprime en anglais.
L’Isoc soutient une gouvernance de l’internet globale et multi-acteurs. Beaucoup de Chapitres européens de l’Isoc participent directement à la gouvernance de l’internet au travers du Forum de la gouvernance Internet de l’Onu et de l’organisation « At-large » de l’Icann [ndlr, la communauté des utilisateurs d’Internet de l’Icann].
Des membres de l’Isoc ont été individuellement actifs dans tous les aspects de la gouvernance de l’internet au cours des dix dernières années, en particulier dans la défense des intérêts du public et des droits et questions intéressants les internautes, en résumé, ce qui est aujourd’hui identifié à la société civile.
L’Isoc-ECC est co-signataire de la récente lettre ouverte au Parlement européen sur la non-discrimination du réseau et nous avons interpelé les institutions européennes et les autorités publiques françaises sur le projet de loi dit « Hadopi ».

Précédents

Le concept de gouvernance de l’internet n’est pas nouveau. Au milieu des années 1990, l’Isoc a initié le débat sur la façon dont le DNS, l’espace de nommage [ndlr, les noms de domaine internet], devait être étendu. En 1998-1999, l’administration américaine Clinton a lancé une consultation sur l’avenir du DNS.
Dans le contexte des Livres Verts et Blancs du Département américain du Commerce, l’Union européeen a tout d’abord proposé que la future Icann [ndlr, l’organisme en charge de gérer certains aspects techniques de l’internet, dont les noms de domaine] soit internationalisée. Bien que beaucoup de progrès aient été faits en ce sens, c’est encore un travail en cours qui devra être résolu plus tard dans le courant de l’année.
Parallèlement, l’Onu a démarré un large processus sur la gouvernance de l’internet avec le Sommet mondial de la société de l’information (SMSI), le Groupe de travail sur la gouvernance de l’internet (WGIG) et les Forums de la gouvernance Internet (FGI). Le prochain FGI aura lieu en novembre 2009 à Sharm Al Sheikh en Égypte.
La gouvernance de l’internet s’inscrit dans un environnement multi-acteurs dans lequel la société civile joue un rôle crucial en tant que défenseur de l’intérêt public et des internautes. Cela s’applique au FGI de l’Onu avec son Groupe consultatif multi-acteurs (MAG) et à l’Icann avec son organisation « At-Large » Cela devrait aussi s’appliquer au FGI européen. Beaucoup d’entités européennes participent déjà au FGI/au MAG et à l’Icann/à « At-Large » et s’attendraient à ce que le processus soit ouvert de la même façon au sein de l’Union européenne.
À vrai dire, l’Union européenne a organisé un groupe multi-acteurs très tôt. Voici un extrait du communiqué de la première réunion du Panel de participants de la Communauté européenne (EC-PoP) : « Le 7 juillet 1998, la Commission européenne a convoqué une réunion consultative européenne... Un des résultats de cette réunion a été la création d’un Panel de participants de la Communauté européenne (EC-PoP), un groupe européen de représentants multi-acteurs pour discuter d’une position commune... et pour conseiller la Commission européenne... L’EC-PoP soutient de façon forte la diversité internationale du Conseil d’administration (de la future Icann). »
L’EC-PoP a continué à se réunir régulièrement pendant plusieurs années, conseillant la Commission sur les questions liées à la gouvernance de l’internet et offrant une plateforme pour coordonner les positions des acteurs européens. Revitaliser cette approche en Europe viendrait à point nommé.

Un FGI européen

La gouvernance de l’internet se rapproche de trois seuils critiques au niveau mondial. Le premier est l’actuel « Accord de projet conjoint » (JPA) entre l’Icann et le Département américain du Commerce qui devrait prendre fin en septembre 2009. Le second est le FGI de novembre en Égypte. À quoi j’aurais ajouté en troisième le Forum mondial des politiques de télécommunication mais il a lieu la semaine prochaine à Lisbonne [ndlr, du 21 au 24 avril 2009]. Nous apprécierions toute information sur la position de l’Union européenne à cette occasion, en particulier concernant l’internet.
La voix de l’Union européenne devrait être entendue dans chaque cas. La position internationale de l’Union européenne et ses relations avec la nouvelle administration américaine pourraient être déterminantes. À chacune des phases diplomatiques critiques – que ce soit la constitution de l’Icann ou l’accord initial pour déléguer l’extention .EU – la position de l’Union européenne a été soutenue par un consensus multi-acteurs. De plus nos méthodes de construction du consensus et les positions de l’Union européenne ont été par la suite soutenues et émulées à travers le monde.
C’est ce pour quoi un FGI européen est fait. C’est la dimension multi-acteurs de notre processus de formation de politiques locales et internationales pour l’internet. Des FGI nationaux ont été créés dans plusieurs États membres, notamment avec le soutien de leurs ccTLD nationaux [ndlr, extensions nationales, comme le .FR, le . UK, le .DE...]. Ces initiatives sont tout à fait bienvenues mais elles ne sont pas suffisantes pour plusieurs raisons :

  1. Au cours des prochains mois, des négociations internationales clé seront conduites par la Commission européenne et les présidences.
  2. La plupart des États membres regardent vers l’Union européenne dans son ensemble pour porter des actions qu’ils ne peuvent pas nécessaire porter seuls.
  3. La plupart des entreprises européennes et la communautés technique opèrent déjà dans un contexte économique global. Notre cadre juridique pour le commerce et les télécommunications provient pour l’essentiel de la législation communautaire.
  4. Les participants de la société civile travaillent de plus en plus au niveau mondial au travers du FGI, de l’At-Large de l’Icann, de EuroDIG [ndlr, un forum informel à l’initiative de certaines institutions européennes], de l’Isoc et des entités liées.
  5. Pour toutes les personnes qui participent, une action efficace dans ce secteur est coûteux en temps et en argent, notamment – si je puis me permettre – beaucoup de travail et de déplacements bénévoles. Le FGI européen devrait concentrer les connaissances et éviter la duplication et la dilution des efforts.

Perspectives

Les acteurs européens de l’internet manifestement maintenant un intérêt pour des questions allant au delà de l’Onu et du FGI et de nos relations avec les États-Unis et l’Icann. Ils manifestent aussi un très grand intérêt pour les événements propres à l’Union européenne, ce qui devrait être pris en compte. Les institutions communautaires devraient aussi ouvrir leurs portes à des consultations multi-acteurs sur les principaux sujets qui surgissent. _ _ Beaucoup a été fait en ce sens ces dernières années par le Parlement et la Commission, notamment au travers de l’usage de l’internet pour faciliter la transparence en ligne. Nous devons simplement faire un pas de plus, y compris s’agissant de certains aspects de notre processus législatif. Le champ est potentiellement large, allant des détails de la gestion des réseaux à la protection de la vie privées et des données en ligne, l’éducation et la culture, en passant par les droits de l’homme de chaque internaute.
Mais aller dans cette direction ne sera pas de tout repos. Il y a des obstacles pratiques et politiques :
- malgré le développement de l’internet au cours de la dernière décennie, il y a encore des acteurs qui s’accrochent au passé. De façon étonnante, une partie de l’industrie des télécommunications n’a pas encore accepté le principe bout-en-bout qui anime l’internet et cherche à réguler le trafic à la recherche d’un avantage commercial. C’est le débat autour de la non-discrimination du réseau auquel je me référais au début de mon propos.
- une partie de la communauté des détenteurs de droits de propriété intellectuelle n’a toujours pas accepté l’internet. Sinon nous n’aurions pas tout ce tintamarre en France autour de l’Hadopi et les amendements similaires présentés au Parlement européen [ndlr, visant à permettre le contrôle des flux]. Je suppose que ces amendements au Paquet Télécom ont maintenant été retirés.
- dans une certaine mesure, il y a déjà des temps de latence et de la duplication. Nous attendons toujours que la Commission et le Parlement prennent les choses en main. EuroDIG qui essaie de remplir cette espace de façon admirable n’est pas une alternative à un FGI européen, lié aux instruments légaux et institutionnels à la disposition de l’Union européenne.
- les frais de voyage pour assister aux différentes réunions est aussi un facteur important pour les représentants de la société civile qui travaillent sur une base volontaire et sur leur temps libre.

L’Icann a récemment financé l’ensemble de la participation de délégués de la société civile à une conférence à Mexico, le Sommet de l’At-Large. Veuillez noter que les frais de voyage des représentants du secteur marchand sont habituellement déductibles fiscalement, ce qui n’est pas le cas des personnes représentant des ONG ou eux-mêmes. De plus pour avoir un FGI européen efficace, peut-être qu’une partie de la solution serait que la Commission européenne crée une délégation multi-acteurs pour chacun des principaux forums internationaux. Par exemple pour le prochain FGI et pour le prochain Forum mondial des politiques de télécommunication .
- chacune des parties au processus multi-acteurs doit, bien entendu, être irréprochable, à commercer par la société civile. Nous avons tous besoin de règles de base pour organiser les consultations et la formation du consensus, la construction de calendriers et l’organisation de processus ouverts. Nous avons tous besoin d’être clairs sur qui parle et au nom de qui.

Conclusions

Bien que j’ai défendu un lien fort entre le FGI européen et les institutions de l’Union pour des raisons de politique importante, ceci n’est en aucun cas exclusif. Au contraire, l’Ec-PoP était ouvert dès sa conception à tous les acteurs européens ; la Commission européenne a associé très tôt les États de l’AELE [ndlr, Association européenne de libre-échange comprenant l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse] et les candidats à l’élargissement de l’Union européenne dans le développement de ses politiques Internet.
L’Isoc-ECC que je dirige actuellement est ouverte à tous les Chapitres issus des États membres du Conseil de l’Europe. Le FGI européen devrait adopter cette posture qui est tout à fait soutenu par le groupe EuroDIG dont je suis aussi membre. Mais nous ne devons pas perdre de vue le fait que nos membres et les personnes qui nous constituent sont d’abord intéressés par les résultats et non par les processus.
C’est un exercice d’auto-discipline important que de concentrer le débat sur la substance et les résultats plutôt que sur la structure et les processus. C’est pourquoi le calendrier doit être fixé à l’avance. Au final, quel que riche et participatif que soit le dialogue, des décisions doivent être prises au niveau international. À ce moment, l’Europe regardera vers l’Union européenne pour prendre les choses en main.
L’Internet society remercie le Parlement européen et toutes les personnes présentes aujourd’hui de l’opportunité donner de contribuer au débat, plantant le décor de ce qui suivra au cours des prochains mois.


Christopher WILKINSON Président de L’ISOC-ECC, en charge de la coordination des Chapitres européens de l’Isoc, Christopher est ancien fonctionnaire de la Commission européenne et intervenant régulier auprès du Parlement et de la Commission européenne. Plus d’infos : http://www.isoc-ecc.org

   

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