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Vol d’identité en ligne : Que faire ?

Note juridique n°10 - octobre 2009

samedi 31 octobre 2009.

 

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Résumé :

Son nom, son pseudonyme, son numéro de carte d’identité... les éléments d’identité d’une personne sont nombreux. Et peuvent tous être « volés » par une autre personne qui s’en servira sur l’internet avec de mauvaises intentions ! Pourtant la loi ne punit « l’usurpation d’identité » que dans des conditions très précises. Il faut que les actes commis par l’usurpateur aient pu conduire la personne dont l’identité a été volée devant les tribunaux pour que l’usurpation soit punie par la loi. Mais, bien sûr, l’usurpateur a pu commettre d’autres délits sous couvert de l’identité volée et pourra être poursuivi pour ceux-ci. Tout cela est cependant bien compliqué et le gouvernement et le Sénat travaillent sur des textes de loi pour combattre plus directement le fléau de l’usurpation d’identité en ligne. Ne reste qu’à attendre ce nouveau cadre légal, censé mieux répondre aux défis de l’internet.

L’Isoc France a également organisé un débat sur l’usurpation d’identité en ligne le 13 octobre 2009. Un compte-rendu est disponible ici.

Auteur(s) : Charles Simon

1. Quelqu’un utilise mon identité sur l’internet ! Que faire ?

Tout d’abord quelle partie de votre identité est ciblée ou compromise ?

Est-ce votre nom, le pseudonyme que vous utilisez en ligne, votre adresse email, un compte sur un forum ou un réseau social, vos données bancaires ?

Le problème cerné, il faut limiter la casse, et vite :

- prévenir les personnes déjà contactées ou risquant d’être contactées par le ou les imposteurs ;

- demander aux personnes responsables des sites / forums / réseaux sociaux sur lesquels le ou les imposteurs agissent qu’ils bloquent les comptes / retirent les messages du ou des imposteurs ;

- changer les mots-de-passe de sa boîte email / de ses différents comptes ;

- prévenir sa banque...

La situation est grave pour vous mais pas pour les autres. Il ne faut donc pas hésiter à être insistant (tout en essayant de rester courtois(e) !).

2. Des achats ont été faits en ligne avec ma carte bleue. Pourtant je l’ai encore avec moi ! Est-ce que la banque va vraiment me faire payer la note ?

Dans le cas d’achats en ligne avec votre carte bancaire sans présentation physique de la carte, la loi prévoit que la banque doit vous rembourser l’intégralité des opérations contestées dans un délai d’un mois à compter de la contestation.

Vous devez faire votre contestation dans les 70 jours des opérations contestées.

Votre banque peut prévoir dans son contrat un délai de contestation plus long, jusqu’à 120 jours. Dans tous les cas, elle ne peut pas prévoir un délai de contestation inférieur à 70 jours qui est le minimum prévu par la loi.

C’est ce qui est écrit dans les articles L. 132-4 ; L. 132-5 et L. 132-6 du Code monétaire et financier et votre banque doit s’y plier.

Tout n’est donc pas perdu !

Mais il faut quand même faire opposition sur sa carte le plus rapidement possible dès qu’on a repéré les opérations suspectes, pour éviter que la facture ne s’alourdisse...

Attention aussi si vous dépassez le délai pour faire opposition ! Dans ce cas, la banque n’est plus tenue de vous rembourser, même d’un centime.

3. Et si j’ai perdu ma carte ou qu’elle a été volée ?

Dans ce cas, la banque pourra retenir jusqu’à 150 euros sur les sommes détournées d’après l’article L. 132-3 du Code monétaire et financier.

Cela pourra même être plus si vous avez mis longtemps à faire opposition, par exemple si vous utilisez votre carte bleue tous les jours et que vous avez mis trois jours à faire opposition.

4. Est-ce que je peux poursuivre la personne qui m’a volé mon identité ?

Oui mais pas forcément pour vol d’identité, ou plutôt « usurpation d’identité » comme le dit le Code pénal.

En effet il existe bien un délit d’usurpation d’identité dans le Code pénal mais il ne couvre pas tous les cas que l’on rencontre sur l’internet. Il n’en couvre même sans doute qu’une petite partie.

Car le délit d’usurpation d’identité du Code pénal ne concerne que « le fait de prendre le nom d’un tiers, dans des circonstances qui ont déterminé ou auraient pu déterminer contre celui-ci des poursuites pénales » (article 434-23 du Code pénal).

Pour qu’il y ait usurpation d’identité au sens de la loi, il faut donc :

- que la personne utilise votre nom ;

- pour faire des choses qui puissent vous amener devant les tribunaux.

5. Quand y aura-t-il usurpation d’identité alors ?

Il y aura par exemple usurpation d’identité quand une personne enverra des courriels ou postera des messages diffamatoires ou racistes sur des forums ou des réseaux sociaux en utilisant votre nom ou votre pseudonyme.

Il y aura aussi usurpation d’identité quand une personne mettra en ligne des vidéos sans l’autorisation des personnes qui détiennent des droits dessus, le tout en utilisant votre nom ou votre pseudonyme (il commettra alors des actes de contrefaçon).

À l’inverse il n’y aura pas usurpation d’identité quand un amoureux éconduit laissera des messages sous votre nom et avec votre numéro de téléphone sur des sites de rencontres, même si ces sites sont un peu « spéciaux » (tant que cela reste légal !).

Il n’y aura pas non plus usurpation d’identité si quelqu’un obtient vos données bancaires et les utilise pour faire des achats en ligne ou pour virer des sommes de votre compte sur le sien.

Ces deux derniers cas peuvent vous faire beaucoup de tort mais ils ne peuvent pas vous amener devant les tribunaux. C’est pour cela qu’il n’y a pas usurpation d’identité au sens de la loi.

6. N’y a-t-il donc rien à faire quand il n’y a pas « usurpation d’identité » au sens de la loi ?

Il y a sans doute des choses à faire, mais pas en invoquant l’usurpation de votre identité.

Par exemple l’amoureux éconduit : les messages qu’il laisse sur les forums de rencontres seront peut-être diffamatoires envers vous (ils feront croire aux gens que vous vous livrez à des activités qui portent atteinte à « votre honneur et à votre considération »).

Même si c’est vrai, il y aura encore atteinte à votre vie privée si ce n’était pas quelque chose que vous aviez rendu public.

Dans certains cas, on pourrait même penser à un harcèlement.

Quant à la personne qui se sert de vos données bancaires, elle commettra une escroquerie vis-à-vis de la banque et de vous en se faisant passer pour vous pour obtenir un paiement.

Si le coupable se fait attraper, le fait qu’il ait utilisé votre identité sera un élément en plus dont le tribunal tiendra compte pour décider de la sanction.

7. Ne serait-il pas plus simple de créer un texte spécifique pour le vol d’identité en ligne ?

C’est effectivement ce que certains pensent.

Il y a actuellement deux propositions pour punir le vol d’identité en ligne.

La première est une proposition de loi de Madame le Sénateur Jacqueline PANIS (« relative à la pénalisation de l’usurpation d’identité numérique »).

Le Sénateur PANIS propose de créer un nouveau délit d’usurpation d’identité en ligne défini comme ceci :

« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, le fait d’usurper sur tout réseau informatique de communication l’identité d’un particulier, d’une entreprise ou d’une autorité publique. »

La seconde proposition était dans le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi) :

« Le fait d’utiliser, de manière réitérée, sur un réseau de communication électronique l’identité d’un tiers ou des données qui lui sont personnelles, en vue de troubler la tranquillité de cette personne ou d’autrui, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

« Est puni de la même peine le fait d’utiliser, sur un réseau de communication électronique, l’identité d’un tiers ou des données qui lui sont personnelles, en vue de porter atteinte à son honneur ou à sa considération. »

Le ministère de l’Intérieur a cependant décidé de reprendre certains points du projet Loppsi. Il n’est donc plus à l’ordre du jour, au moins pour l’instant.

En attendant que ce projet de loi revienne devant le Parlement, seule la proposition de loi au Sénat reste donc en lice.

8. En quoi ces deux propositions sont-elles différentes ?

La proposition de loi au Sénat prévoit qu’on peut être poursuivi pour usurpation d’identité dès que deux conditions sont réunies :

- l’emploi de tout réseau informatique de communication ;

- l’usurpation de l’identité de quelqu’un d’autre.

Au contraire, le projet Loppsi prévoyait la réunion de quatre conditions pour qu’il y ait une usurpation d’identité punissable par la loi :

- l’emploi d’un réseau de communication électronique ;

- l’utilisation de l’identité ou d’informations identifiant quelqu’un d’autre (comme par exemple les données bancaires, le numéro de Sécu...) ;

- la répétition de cette utilisation ;

- la volonté de causer du tort à cette personne ou à quelqu’un d’autre ou de salir la réputation de la personne dont on a usurpé l’identité ou des informations l’identifiant.

Le fait qu’il y ait plus de conditions dans un cas ne veut pas dire qu’on veut « punir moins » mais qu’on veut définir différemment ce qui est punissable.

Cela est particulièrement clair concernant l’intention. La proposition de loi au Sénat est très « formelle  » : le seul fait d’utiliser l’identité de quelqu’un d’autre est punissable.

Au contraire, le projet de loi Loppsi demandait qu’on ait voulu en plus faire spécialement du tort à quelqu’un en utilisant plusieurs fois son identité ou certaines informations l’identifiant.

9. Pratiquement, quelle est la différence ?

Dans le cas de la proposition de loi présentée au Sénat, les canulars où on utilise le nom de quelqu’un d’autre pour lui faire une blague sont par exemple punissables.

Même si on ne veut pas faire du tort à la personne dont on utilise le nom : l’humour n’est pas une excuse en droit pénal !

Mêmes si les peines prévues sont les mêmes (1 an de prison et 15 000 € d’amende au maximum), l’approche est donc très différente dans les 2 cas.

10. Quelle proposition sera finalement retenue et quand sera-t-elle applicable ?

Impossible de le savoir pour l’instant.

Il faut attendre de voir comment avancent les travaux au Sénat et patienter jusqu’au retour de la Loppsi, après les reprises du ministère.

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