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Y a-t-il un droit à l’anonymat sur l’internet ?

Note juridique n°9 - septembre 2009

samedi 29 août 2009.

 

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Résumé :

Il est tout à fait possible de rester anonyme ou d’utiliser un pseudonyme sur l’internet. Juridiquement, il n’y a cependant pas de droit à rester anonyme ou sous pseudonyme. Théoriquement, le sentiment d’être « caché derrière son écran » est même une illusion car on laisse de nombreuses traces derrière soi sur l’internet, comme son adresse IP. Mais n’importe qui ne peut pas lever le voile. Pour identifier une personne, il faut passer par un juge qui appréciera s’il y a ou non un intérêt légitime à savoir qui édite tel blog ou a envoyé tel courriel.

Auteur(s) : Charles SIMON, Laurent FERRALI.

1. Est-ce que je peux rester anonyme ou utiliser un pseudonyme quand j’envoie un courriel, poste un commentaire sur Facebook, un blog ou quand je « tweete » ?

Oui. Il n’y a aucune obligation d’utiliser publiquement sa « vraie » identité sur l’internet. Les pseudonymes sont même monnaie courante et il n’y a rien à y redire tant qu’on ne profite pas de cet anonymat ou de ce « pseudonymat » pour faire des choses condamnables.

2. Est-ce que cela signifie que j’ai le droit d’être anonyme sur l’internet ?

Non, juridiquement il n’y a pas de « droit » à être anonyme. L’identité d’une personne lui garantit des droits et lui impose des devoirs.

D’abord on peut parfois avoir à communiquer sa vraie identité, par exemple pour s’abonner à un service. C’est surtout vrai quand le service est payant (par exemple un hébergement professionnel) et qu’il faut donner ses coordonnées bancaires au prestataire de services. Dans ce cas, il n’est pas possible de rester anonyme ou d’utiliser une autre identité que son identité civile.

Ensuite on n’est même jamais vraiment anonyme quand on navigue sur l’internet, même si on peut avoir l’impression d’être « caché derrière son écran ». En réalité on laisse beaucoup de traces derrière soi, par exemple l’adresse IP de l’ordinateur qu’on utilise pour se connecter à sa boîte de courrier électronique, à sa messagerie instantanée, pour poster sur son blog...

L’adresse IP est l’équivalent du numéro de téléphone de l’ordinateur pour l’internet. Via le fournisseur d’accès qui sait à qui appartient une adresse IP à un moment donné, il est possible de remonter à l’abonné et donc à l’internaute.

Il existe des moyens pour « cacher » son adresse IP mais, au moins en théorie, il est toujours possible de remonter d’un message, même anonyme ou sous pseudonyme, à une personne en demandant au fournisseur d’accès.

3. En pratique, il suffit donc de demander à mon prestataire de services ou à mon fournisseur d’accès qui je suis pour que ma vraie identité soit dévoilée ?

Non. L’adresse IP est considérée comme une donnée personnelle, comme l’identité civile, et, pour cette raison, les prestataires de services et les fournisseurs d’accès ne peuvent pas dévoiler qui se trouve derrière telle service ou telle adresse IP à n’importe qui et dans n’importe quelle condition.

Pour identifier une personne, il faut présenter au prestataire de services ou au fournisseur d’accès une décision de justice autorisant à faire cette demande.

4. Donc n’importe qui ne peut pas savoir qui je suis ?

Exactement. Avant d’autoriser la levée de l’anonymat de l’internaute, le juge, qui est le garant de nos libertés, va vérifier qu’il y a une bonne raison pour cette demande. Dévoiler l’identité de quelqu’un est un acte grave, le juge doit donc vérifier que cela est bien nécessaire.

S’il n’y a pas de raison valable, le juge refusera d’autoriser l’identification de l’internaute.

5. Mais n’y a-t-il quand même pas un risque de porter atteinte à la liberté d’expression par exemple ?

Certaines personnes peuvent en effet s’autocensurer si elles savent qu’elles peuvent être identifiées. Cependant, dans un État de droit comme la France où la liberté d’expression est protégée à la fois par la Constitution et les Tribunaux, on peut penser qu’il ne faut pas permettre à quelques uns de profiter de l’anonymat pour violer les droits de tous les autres.

C’est une idée qu’on retrouve déjà en 1998, dans une des premières décisions de justice concernant l’internet en France : l’affaire Altern.org. Un mannequin se plaignait qu’un anonyme avait mis en ligne des photos d’elle nue. Le Tribunal puis le Cour d’appel de PARIS ont estimé qu’elle devait pouvoir savoir qui cet anonyme était.

6. Quand même, j’ai entendu parler du cas d’une blogueuse canadienne dont Google a dévoilé l’identité ! N’est-ce pas grave ?

La Cour Suprême de l’État de New York a bien ordonné à Google de révéler le nom d’une blogueuse suite à la plainte d’un mannequin qui se sentait diffamée par son blog. Il faut dire que dans les messages du blog, le mannequin était traitée de « traînée », de « pute » et accusait de « faire la pute » !

La Cour Suprême de l’État de New York a estimé que le mannequin pouvait porter plainte pour diffamation et que les informations sur la blogueuse que le mannequin voulait d’obtenir de Google étaient nécessaires pour l’identifier et pouvoir effectivement la poursuivre.

7. Comment le juge américain a-t-il justifié sa décision ?

Le Juge américain a rejeté l’argument de la blogueuse anonyme selon lequel les blogs étaient les places du marché d’aujourd’hui où on exprimait ses opinions, y compris des invectives et des péroraisons, et que les propos tenus dans ce contexte ne pouvaient raisonnablement pas être pris pour argent comptant.

Un Tribunal de Virginie, toujours aux États-Unis, avait déjà expliqué pourquoi un tel argument ne pouvait pas tenir : « La protection du droit de communiquer anonymement doit être mise en balance avec la nécessité de s’assurer que les personnes qui choisissent d’abuser des possibilités offertes par l’internet puissent répondre de leurs transgressions. Ceux qui ont subi un préjudice du fait de messages dommageable ou répréhensibles postés sur l’internet doivent avoir la possibilité de rechercher une réparation appropriée en empêchant ceux qui leur ont fait du tort de se cacher derrière le bouclier illusoire d’un prétendu droit à la liberté d’expression garanti par le Premier Amendement de la Constitution américaine ».

Le droit français ne dit pas autre chose : l’anonymat en soi n’est pas critiquable, c’est son abus pour causer du tort à quelqu’un d’autre qui l’est. Dans ce cas, l’anonymat ne doit pas être protégé.

8. Donc mon anonymat sur l’internet serait correctement protégé en France et aux États-Unis ?

Oui. Il est peut-être même encore plus fortement protégé aux États-Unis qu’en France car en France l’internaute n’est pas prévenu de la demande de levée de son anonymat alors qu’aux États-Unis il l’est. Tout en restant anonyme, l’internaute peut alors faire valoir, ses arguments auprès du juge pour s’opposer à son identification. C’est ce que la blogueuse a tenté de faire dans l’affaire mentionnée, sans succès.

Le fait que l’anonymat soit correctement protégé en France et aux États-Unis ne veut cependant pas dire qu’il l’est partout ailleurs dans le monde. Certains pays ne respectent pas les droits de leurs habitants, pas plus sur l’internet que dans la vie de tous les jours. La levée de l’anonymat, parfois avec l’assistance d’entreprises établies dans des États de droit, sont critiquables lorsqu’elles ont pour but non pas de poursuivre des personnes qui font du tort à d’autres mais des internautes qui critiquent le gouvernement et les autorités en place.

9. Où puis-je trouver plus d’informations sur la question de l’anonymat sur l’internet et sur les traces que je laisse derrière moi ?

Des ONG (Reporters Sans Frontières, Human Rights Watch, Amnesty International, Freedom House...) publient régulièrement des informations ou des rapports sur l’anonymat sur l’internet et les droits de l’homme.

Le site web de la Cnil a une présentation pédagogique des traces que vous laissez sur l’internet. Vous la trouverez en cliquant ici.

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