[Tribune] Internet : en faveur de la neutralité du réseau, des applications et du référencement

Le principe de neutralité du réseau Internet s'applique aux aspects physiques de la transmission des données, les réseaux gérés le plus souvent par les opérateurs de télécommunication. Cette neutralité s'étend également aux aspects d'accès au contenu autant à travers l'interface de l'utilisateur aux données extérieures (applications, systèmes d'exploitation) qu'à travers les systèmes de référencement tels les moteurs de recherche (type Google) et les canaux de diffusion (micro-blogging, type Twitter).

Neutralité du réseau Internet

La neutralité des réseaux confine le rôle des opérateurs de télécommunication au seul transport des informations de manière unilatérale et neutre, indépendamment de leur nature, contenu, expéditeur et destinataire. Il s'agit de respecter les critères de liberté d'expression, du droit à l'information et de libre concurrence.

Le principe de neutralité impose aux différents acteurs de transmission de l'information, du fournisseur d'accès à Internet aux intermédiaires techniques de :

  • transmettre les données sans examen ni altération du contenu (pas de lecture en profondeur des paquets)
  • transmettre de manière identique quelques soient la source, la destination et la nature de la donnée (http, ftp, voip)

La discussion actuelle sur la répartition des coûts des infrastructures permettant la libre circulation des données oppose les fournisseurs d'accès à Internet aux fournisseurs de contenu. Les premiers considèrent supporter à eux seuls le coût de l'accroissement des données transmises (fichiers volumineux, streaming). Les seconds estiment que les services proposés sont générateurs d'abonnement à Internet et participent indirectement aux revenus des fournisseurs d'accès.

Cette opposition est notamment à l'origine de la décision de la société Free de bloquer certains flux de données en provenance de la société Google et à destination des utilisateurs freenautes. De telles actions ont pour conséquence de limiter des services accessibles sur Internet (ici Google Analytics). Ces actions ouvrent la voie à la création d'un accès à Internet à la carte et à la mise en place de plusieurs vitesses de transmission en fonction de la donnée transmise. De la même manière, le bridage des services de voix sur IP tels l'usage de Skype sur les téléphones mobiles est une rupture du principe de neutralité. La garantie de pluralité et de libre concurrence n'est plus respectée.

Les principes de neutralité consistent alors pour les opérateurs de télécommunication de garantir l'accès à un seul et même Internet à tout utilisateur, dans le respect de la pluralité des offres et le respect des principes démocratiques.

Neutralité des applications

Les utilisateurs dépendent des interfaces mises à leur disposition pour l'accès à Internet. L'ordinateur et désormais le smartphone contiennent des applications spécifiques chargées de l'envoi et de la réception des informations (courriel, navigation Internet, micro-blogging).

De nouveaux modèles économiques apparaissent alors tels Apple avec son système iOS et ses applications téléchargeables uniquement à travers l'AppStore. Ce canal unique est un point d'étape indispensable pour la validation de logiciels conçus par des développeurs extérieurs. Apple applique une ligne éditoriale, décide de la validité des applications présentes et s'octroie dans tous les cas 30 % des revenus générés par la vente des applications. Certaines décisions concernant la suppression de contenus relèvent de critères moraux. Dans ce cas, la neutralité de l'Internet n'est plus respectée par un contrôle en amont de la disponibilité des informations.

Apple n'est pas la seule entreprise à construire son propre écosystème, c'est-à-dire cloisonner l'accès et l'usage des données sur Internet à travers les outils matériels et logiciels qu'elle distribue. C'est le cas également d'Amazon avec sa liseuse de livres numériques Kindle, de Microsoft avec Windows 8, de Facebook avec la censure de données publiées.

Les principes de neutralité consistent alors pour les fournisseurs d'applications de conserver un accès plein et entier à un Internet ouvert, garant de la liberté d'expression et du droit à l'information.

Neutralité du référencement

La masse de données disponibles sur Internet est si grande que les moteurs de recherche s'avèrent être un moyen simple d'accéder à une information recherchée (Google, Yahoo, Bing, Yandex en Russie, Baidu en Chine). Il est donc très important pour un site Internet de garantir sa présence sur de tels moteurs de recherche. La neutralité d'un référencement dans ce cas correspond à l'absence de choix éditorial par le moteur de recherche sur les résultats retournés. Ainsi, à la différence d'un annuaire, le classement des résultats d'une recherche doit répondre aux critères d'impartialité, d'universalité et d'exhaustivité.

Un moteur de recherche fonctionne en trois étapes :

  1. les ressources accessibles sont explorées
  2. à l'intérieur de ces ressources, des mots-clés considérés significatifs sont indexés
  3. lors d'une requête par un internaute, les ressources indexées par les mots-clés correspondant à la requête sont restituées

 

En plus de ces opérations automatiques, les systèmes de référencement font appel à de nombreux analystes humains ou automatisés. Ces analystes évaluent la pertinence d'un résultat, modifiant son apparition dans la liste retournée par l'opération de recherche. Le moteur de recherche a donc la possibilité de promouvoir ou de déclasser certains résultats par exemple à des fins promotionnelles (concurrence déloyale). Ce classement devient un enjeu crucial car la visibilité d'un site Internet est proportionnelle à sa position dans la liste des résultats du moteur de recherche. Pour certains, il devient alors important de leurrer l'algorithme de référencement afin de modifier les positions du classement (bombardement Google). On peut donc considérer que de telles opérations viennent rompre le caractère impartial du référencement.

Par ailleurs, dans le but déclaré d'"améliorer l'expérience utilisateur", les résultats de recherche sont adaptés aux centres d'intérêt des utilisateurs. Ces centres d'intérêt réels ou déduits sont construits à partir des traces laissées par l'ordinateur et l'utilisateur lors de chaque passage sur le moteur de recherche ou d'autres services dont il est associé (compte Google, adresse IP, cookies du navigateur). Ainsi, le processus de la recherche d'information n'est plus universel mais personnalisé et propre au comportement d'un individu à travers l'accumulation de ses traces. Cette personnalisation permet également de supprimer certains résultats dans la liste affichée. Ainsi, la requête ne retourne qu'une vue partielle et non-exhaustive des ressources indexées. Lors d'un tel usage, une bonne pratique serait d'informer l'utilisateur de cette adaptation et de lui proposer s'il le souhaite les résultats d'une recherche plus neutre.

Un moteur de recherche alternatif revendique le respect des critères fondamentaux de la neutralité : DuckDuckGo (slogan "Google vous piste, pas nous"). DuckDuckGo ne conserve en effet aucune information de personnalisation et garantit le renvoi de résultats obtenus de manière générique et neutre. Cet exemple démontre qu'il est possible de développer des systèmes de référencement garantissant des résultats pertinents et répondant également aux critères d'impartialité, d'universalité et d'exhaustivité.

Pour conclure

La première loi technologique de Kranzberg s'applique aussi aux domaines de l'Internet : "La technologie n'est ni bonne ni mauvaise, ni neutre". Il peut alors paraître nécessaire de définir un cadre de bon usage afin d'assurer le respect des différents critères contribuant à la neutralité du Net. Parmi les critères nécessaires, trois éléments apparaissent essentiels et fondamentaux :

  • la liberté d'expression et le droit à l'information
  • la libre concurrence
  • l'impartialité des systèmes de référencement

La consécration de ces critères fondamentaux participe alors à l'accès et à l'usage d'un Internet libre et ouvert à l'ensemble des citoyens, dans le respect des principes démocratiques.

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Matthieu Camus, le 14 janvier 2013

Photo © xiaoliangge - Fotolia.com

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